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dilater au point d’embrasser l’univers dans une étreinte gigantesque, et dès lors tout se dilate et devient colossal dans son appréciation.

Il prend des imbéciles pour des scélérats, d’une mouche il fait un monstre, d’une fourmi un éléphant.

En même temps qu’il entre dans son délire poétique, il s’enfonce et se perd dans un prisme qui exagère avec excès la dimension et l’éclat des êtres et des choses. C’est la nature de son génie, son défaut si vous voulez.

Le grand ! joli défaut, je trouve.

Il n’a pas la vue absolument nette, j’en conviens.

Sa passion, toujours en rapport avec sa vision, n’est pas toujours dans la mesure de l’équité absolue et il dépense parfois une force immense dans un sens, sans accorder à l’autre face du vrai la vigueur nécessaire pour être mise en relief. C’est que, ce jour-là, son prisme n’était éclairé que du côté où il regardait.

Il a fait une pièce qui est un chef-d’œuvre comme les autres. Il a fait parler la voix sage et répondre la voix haute. Naturellement la voix sage ne dit que des bêtises et des platitudes,