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Paris, 28, rue d’Astorg.

2 août 1869.
Chère amie,

Les journaux annoncent que vous êtes ici, surveillant avec soin les dernières répétitions de la Petite Fadette. Je vous écris néanmoins à Nohant.

Hier, j’ai été voir Sainte-Beuve. Il sortait d’une de ses crises et était abattu. On l’avait sondé la veille, et comme il arrive toujours en pareil cas, la partie malade était irritée. Aussi pouvait-il à peine s’asseoir. La conversation le ranimait cependant, et vers la fin il a retrouvé cette verve sans égale qui charme véritablement tous ceux qui l’écoutent. Il a parlé de vous avec une très grande bonté, et ce n’était que justice.

Je suis alors allé dîner chez Renan à Sèvres. Il était superbe. Je commence à lui trouver un air olympien. Le Saint Paul a beaucoup de succès. Vous l’avez lu, n’est-ce pas ? La famille de notre ami part demain pour Yport afin de faire prendre des bains de mer à son petit garçon, Ary.

J’ai aussi rencontré les Concourt. Le plus jeune a bien mauvaise mine. Ils arrivaient de voyage, et se plaignaient du bruit que font leurs voisins. Leur système nerveux me semble complètement détraqué.

La température ici est aussi agréable que possible, et je vous assure qu’il fait meilleur à Paris qu’en Suisse.

Des Dumas, je ne sais qu’une chose, c’est que toute la famille a fait une excursion sur le yacht du Prince. Ce dernier est en ce moment au Palais Royal.

Nous marchons donc à une révolution, et une révolution aussi singulière qu’inattendue. On ne le croirait pas d’abord, à voir l’accalmie qui règne ici ; mais lorsqu’on considère l’indifférence complète avec laquelle le message