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leurs veilles, et que plus d’un qui sait trouver le vrai mot, le vrai cri du cœur, serait incapable de rencontrer ce mot et d’exhaler ce cri sur la scène. Cela est vrai aujourd’hui, mais ne lésera pas toujours. Nos facultés sont incomplètes, nos éducations nous dirigent vers les spécialités, et, en outre, nos préjugés nous y retiennent. Il en est ainsi, et il faut apparemment qu’il en soit ainsi, car rien ne servirait de vouloir couper le blé avant sa maturité. Mais une époque de grand développement arrivera où les Shakespeare de l’avenir seront les plus grands acteurs de leur siècle.

Comme je rêvais à cette utopie, j’en causai avec mes enfants. À l’âge qu’ils avaient alors, on ne doute de rien, et l’idée de poursuivre leurs jeux se présenta à eux comme celle de clapoter dans l’eau vient à ceux qui entendent parler de nager. Aucun d’eux n’avait la vocation ni le désir du théâtre, mais ils étaient curieux d’essayer, sous la forme de ce que l’on appelle un amusement de société, une chose dont leur esprit se trouvait frappé pour la première fois et qui eût semblé irréalisable à des personnes mûres.