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quels lieux et à travers quels obstacles ? Cela est en moi vague comme un rêve.

Ce monde que je parcourais était sublime, d’heureuses figures le remplissaient. Je me disais par moments : « Il fut un temps où j’étais poète et où la contemplation de ces choses et la connaissance de ces êtres eussent suffi à ma félicité. Mais je ne suis plus rien, depuis que mon âme s’est dédoublée, depuis que l’enfant de mon cœur et de mes entrailles a été violemment séparée de moi. Tout ce qui est le monde de mes rêves ne m’intéresse plus, il faut que je retrouve le monde de mon cœur. Puisse-t-il être ici ! Oui, belle nature, j’apprécierai tes charmes si tu es la demeure de celle qui m’a été ravie. »

J’ignore si je pensais ainsi dans la solitude ou si je parlais ainsi à des créatures occupées de mon passage inquiet au milieu d’elles. J’étais dans cet état d’anxiété que l’on éprouve ici sur la terre, quand absorbé par un désir ou par une crainte, on perd la notion des choses qui vous environnent.

Enfin je la vis, mais je la vis sans la reconnaître. Seulement je m’arrêtai frappée d’une