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incertain, mobile, inexpérimenté, et de l’autre un homme capable de résumer en lui tous les types de grandeur dont l’histoire de l’humanité s’honore. Or, cet homme, vous ne l’avez pas, car, s’il existait, la République serait impossible. Aux époques où le génie de l’humanité se résume dans un seul, l’humanité est à l’état d’enfance, et l’homme du prodige gouverne par une sorte de magnétisme merveilleux que notre génération n’est plus capable de subir. Quant au peuple inexpérimenté placé dans mon hypothèse, sur l’autre plateau de la balance, il existe certainement, à cette heure, mais pour combien de jours ? Avant la fin des trois années auxquelles vous limitez l’expérience de la présidence, ce peuple sera tellement mur pour l’expérience de son droit, que son président, quel qu’il soit, deviendra l’objet de son antipathie ou de son dédain. Ah ! combien vous et moi aurions à plaindre, avant trois ans, l’homme assez naïf ou assez audacieux pour assumer aujourd’hui sur lui seul la responsabilité du pouvoir exécutif !

Le principe de l’autorité d’un seul, quelque limité, quelque responsable, quelque révocable que l’on puisse l’imaginer, blesse, dans mon esprit, le sentiment d’égalité sur lequel repose la République. Je vous parle du sentiment plus que de l’idée, parce que, dans un temps où l’idée n’est encore que le domaine de quelques-uns, l’autorité universelle est dans le sentiment, précurseur de l’idée. Les instincts populaires sont des révélations de la vérité, antérieures