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Nous avons l’habitude de déclarer à tout propos que la France est la première des nations par la science, la littérature et les arts, comme elle est la première par le dévouement et le courage. Il serait plus modeste et plus vrai de dire que nous possédons une sorte d’aristocratie de l’intelligence, laquelle donne souvent le ton à l’Europe, brille au premier rang par le génie des découvertes, et cherche, avec une infatigable activité, à faire progresser toutes les branches du savoir humain. Mais ici, comme aux bords du fleuve Jaune, nous avons nos mandarins : la science est le monopole d’une classe peu nombreuse, et ses docteurs n’ont pas tous, il s’en faut, le désir et la faculté de répandre sur la foule, comme le pratiquait si bien notre regrettable François Arago. les bienfaits de leur enseignement. Ceux qui le pourraient ne le veulent peut-être pas ; ceux qui le voudraient ne le peuvent pas toujours. Aussi la diffusion et la vulgarisation des sciences sont-elles beaucoup plus en arrière chez nous que dans certaines contrées, et la moyenne intellectuelle du peuple français très inférieure à celle des cantons suisses, des États-Unis d’Amérique, et même d’une partie de l’Allemagne.

Or il est impossible de diriger une société vers cet état de perfection qu’on nomme la démocratie, sans l’y préparer en répandant partout l’instruction, cette puissante armure au moyen de laquelle le faible et le pauvre peuvent, sans trop de désavantages, lutter pour conquérir leur place au soleil. Les hommes ne pourront devenir à peu près égaux, libres et frères,