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savons bien la mobilité et l’imperfection de la nature humaine. Nous savons que, pris un à un, tous les hommes, même les meilleurs, ont leurs taches et leurs misères. Nous sommes bien préparés, bien résignés d’avance à voir des erreurs prendre pour un moment l’apparence de la vérité, des préjugés remplacer des opinions, des pas risqués à côté du bon chemin, des heures de lassitude où nous semblerons avoir oublié qu’il faut marcher en avant, et marcher très vite. Tout cela c’est le détail, c’est la réalité de la vie dans ce qu’elle a d’hésitant et d’incomplet. Notre république n’est pas une utopie qui ne tiendra pas compte du temps, des hommes et des choses. Mais, grâce au ciel, on peut tenir compte de tout cela, on peut constater beaucoup de faits inquiétants ou affligeants, et on peut cependant conserver la foi au principe qui nous guide et nous éclaire, on peut surtout persévérer dans cette confiance qu’inspire un peuple magnanime, intelligent, et plein de grands instincts, Sans cette confiance serait-on logique, quand on porte dans son âme la passion de l’égalité ? Oserait-on dire qu’on aime le peuple, si on n’attendait pas de lui d’admirables dénoûments à toutes les complications du drame étonnant qui se déroule sous nos yeux !

Oui, il est bien certain que l’esprit de réaction existe, qu’il se révèle dans une multitude de faits, qu’il agit, qu’il agira encore par l’esprit de caste qui résiste au progrès, et par l’esprit de secte qui veut imposer sa forme au progrès, au risque de le compromettre et de le retarder.