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liberté de conscience et à ses habitudes d’organisation. Les deux opinions pouvaient donc marcher de front, sans se heurter, pour aller dire au gouvernement : « Protégez nos libertés ; à nous qui avons reconnu le principe d’association, le droit de nous associer ; à nous autres la liberté de ne pas nous associer si nous n’avons pas encore compris le principe de l’association. » Y avait-il là prétexte à un désaccord, à de mutuelles méfiances ? Il n’y avait point de prétexte possible, puisque, malgré de mutuelles défiances, les deux manifestations simultanées ont marché fraternellement et se sont dispersées ensuite sans hostilité aucune.

Mais pourquoi ces méfiances ont-elle existé pendant quelques instants ? Pourquoi de fausses nouvelles ont-elles circulé pendant toute une matinée sur le pavé brûlant que foulait le peuple de Paris ? Pourquoi le soir, une manifestation isolée, armée, enflammée d’une sorte de méfiance sombre, a-t-elle repris le chemin de l’hôtel de ville, comme pour renier toute solidarité avec la manifestation qui s’était jointe à elle quelques heures auparavant ? On savait bien que cette solidarité dans la nuance des opinions n’existait pas, et il était beau d’avoir prouvé qu’on pouvait marcher d’accord pour maintenir et consolider la République, tout en la servant sous des bannières différentes. On l’avait si bien senti, que la même affluence, les mêmes cris avaient salué l’hôtel de ville, et qu’à des heures d’effroi avaient succédé pour tous des heures de calme. Pourquoi donc ce mouvement nocturne de quelques fragments de la garde nationale, mouvement