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n’arriverait par lui ni par ses amis. Il avait une violente prévention, chacun le sait, contre un des hommes dont le nom a été mis en avant pendant l’orage. Peut-être n’avait-il pas confiance dans les lumières ou dans la sincérité de tous les autres. Le fait est qu’il s’est trouvé avec eux comme une feuille emportée par la tempête se trouve avec d’autres feuilles, sur une cime ou dans un précipice. Il s’y est trouvé comme Arago, ou Lamartine auraient pu se trouver à l’hôtel de ville avec M. Cabet ou avec M. Thiers, si M. Cabet ou M. Thiers avaient eu l’inspiration d’y aller le 24 février.

Cet homme dont je parle voulait-il étouffer la République sous une faction ? Non, personne ne soutiendra cela sérieusement. Voulait-il attenter à la souveraineté du suffrage universel ? Il suffira pour savoir le contraire de se rappeler qu’il a passé huit ans d’agonie dans les prisons de la monarchie, et qu’il a été condamné à mort pour avoir professé la croyance au suffrage universel. Voulait-il remettre les destinées de la France entre les mains de ceux que l’on proclama dictateurs à l’hôtel de ville ? Non, il n’était à l’hôtel de ville que pour protester contre certains d’entre eux. Voulait-il mettre Paris à feu et à sang ? Il ne cédait à la nécessité de proclamer un nouveau gouvernement que parce qu’il ne pouvait apprécier, là où il se trouvait entraîné, l’état de Paris pendant cette heure confuse et ténébreuse. Il faisait ce que fait tout homme d’abnégation et de dévouement dans la crise d’une révolution. Il allait sacrifier sa vie, au