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Cassandre, qui traite d’hypocrites et d’apostats ces lévites attendris et entraînés.

Si le tambour n’existait pas, il faudrait l’inventer ; sa voix rauque et vibrante ressemble à celle du peuple ; elle frappe sur les nerfs, elle excite le sang, elle déchire l’oreille et remue la fibre belliqueuse sans qu’on sache comment et sans qu’il soit possible de s’en défendre, quelque habitué qu’on y soit. — Puis viennent des ouvriers pêle-mêle avec des étudiants, des délégués de toutes les écoles, des membres de toutes les corporations ; la blouse, l’habit militaire, l’habit bourgeois, la veste se confondent ; les bras enlacés proclament la fraternisation, c’est-à-dire la prise de possession de l’égalité fraternelle.

Mais ce n’est encore là que l’avant-garde, immense serpent qui se déroule dans la rue étroite et profonde, et qui pourtant ne gêne et ne froisse personne, et n’empêche pas la foule ordinaire de remplir les marges de la colonne et de circuler sans obstacle et sans retard. Quels sont ces robustes travailleurs qui s’avancent couronnés de feuillage, la pioche, la bêche ou la coignée au bras en guise de fusil ? Ce sont des paveurs, des terrassiers ou des bûcherons au type accentué, à la barbe grisonnante de bonne heure, au teint solide, à la démarche grave et assurée. Derrière eux, cinquante autres portent légèrement sur leur épaule un pin énorme, dont le branchage vert, soutenu par les enfants, est préservé de la souillure du pavé : c’est l’arbre de la liberté, c’est le symbole de la République qui passe. Ôtez votre chapeau, Cas-