Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/178

Cette page n’a pas encore été corrigée

Enfin, je ne vois pas pourquoi M. de Montpensier et M. d’Aumale n’auraient pas aussi leurs petites prétentions et leur petit parti. Puisque nous sommes en train de supposer, rien ne nous coûte.

Supposons donc qu’au milieu de l’anarchie morale qui marche, tous ces messieurs aient assez d’audace, assez d’argent, assez de meneurs et assez d’habileté pour chauffer la population de Paris, pour lui promettre ce qu’on lui promet toujours, ce qu’on ne lui tient jamais, et ce qu’elle ne se lasse pas d’attendre ; et qu’enfin, par une brûlante journée de soleil, de malaise, de misère et de mauvaise humeur, une émeute, composée de ces éléments divers et hétérogènes, vienne envahir l’Assemblée nationale, la violenter et la déclarer dissoute.

Pour que cela arrive, il ne faut qu’un peu plus d’horreur du travail et d’amour du temps perdu de la part de l’Assemblée nationale ; un peu plus de tendance à la réaction de la part des républicains modérés ; un peu plus de misère, d’inquiétude et de découragement de la part du peuple, qui ne tremperait point en masse dans cette abdication honteuse de son avenir, mais qui pourrait laisser détacher de son sein quelques groupes égarés. Et, pour que l’orage amassé ainsi de tous les coins de l’horizon vienne s’abattre sur l’Assemblée sans défense, il ne faut que quelques ordres mal donnés ou mal transmis, ou mal compris. Il n’est besoin ni de conspirations ni de trahisons : il ne faut que ce que nous avons vu, du désordre, du hasard et de la fatalité de part et d’autre.