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nos ennemis se hâtent d’empoisonner et de détruire. Oui, peuple, l’ennemi vient, et, sous tes yeux, il enchaîne et refoule les forces vives de ta cause. Et pourtant, tu ris comme un enfant que tues, charmé d’avoir échappé à un danger imaginaire, sans voir qu’un abîme s’ouvrait sous tes pieds, et que tes prétendus sauveurs essayaient de t’y faire tomber tout doucement. Ah ! que de grandeur, que de courage, que de bonté, d’honneur et d’intelligence gaspillés sur la route du progrès, par ce grand prodigue, par ce héros des nations qui s’appelle la France !

Mais voici le moment d’être calme et d’examiner la justice de la cause. Tous les socialistes factieux sont en prison. La garde nationale bourgeoise veille, personne n’a plus peur, j’espère. Il serait possible de jeter un coup d’œil sur l’ensemble des travaux du Luxembourg sans craindre d’évoquer le spectre effrayant du communisme. Le rapport de ces projets de législation pour les travailleurs a été publié par plusieurs journaux dans les premiers jours de ce mois.

À cette époque, nous avions commencé un examen des idées émises jusque-là par Louis Blanc. En lisant ce rapport, nous crûmes devoir nous abstenir ; car le rapport lui-même répondait à toutes les objections, et les esprits les plus prévenus n’avaient qu’à en prendre connaissance pour abjurer toute hostilité et cesser toute interprétation infidèle. Mais la mauvaise foi ou l’entêtement ne tiennent compte de rien. Le rapport passa, sinon inaperçu, du moins sans discussion sérieuse. Le peuple n’eut pas le loisir de le lire, appa-