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Louis Blanc n’est vrai, et ne s’est traduit par des faits absolus. Il n’a jamais dit, il n’a jamais voulu que l’État se fit socialiste, à ce point de détruire, même dans un avenir éloigné, la liberté individuelle, l’initiative du génie ou de la force. Il n’a jamais rêvé une société où l’homme, cessant d’être exploité par l’homme, la conséquence inévitable de cette réparation due à la dignité humaine serait l’exploitation aveugle de tous les hommes par un principe sans intelligence et sans entrailles. On s’est servi, pour pousser son système, de conséquence en conséquence, jusqu’à l’absurde, d’un système de sophisme bien connu, et contre lequel le peuple devrait enfin être en garde aujourd’hui. Les uns l’ont fait par mauvaise foi, d’autres par ignorance, d’autres encore par suite de cette légèreté française qui aime mieux condamner en riant que d’examiner, au risque de subir la fatigue d’une heure d’attention.

Hélas ! il faut bien avouer que nous en sommes encore là en France ! Nous étions menacés d’être envahis et divisés par les sectes. Nous avons tous crié, au lendemain de la révolution : Point de sectes ! et nous avons eu raison de vouloir chercher l’unité partout, sans exclusion d’aucun élément sérieux. Mais nous sommes un peuple mobile et poussant vite à l’extrême les conquêtes de sa raison impétueuse. À force de chercher la vérité partout, il nous arrive bientôt de ne plus vouloir la chercher nulle part, et, pendant que nous perdons notre temps à critiquer les points contestables d’un ensemble d’idées, nous oublions de saisir les choses excellentes qui se trouvent à côté et que