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les premiers jours, admiré et béni prudemment le jeune révolutionnaire socialiste qui assumait sur lui et sur quelques amis dévoués tous les dangers de la première rencontre avec la souffrance et la colère de ces masses lasses de souffrir, exigeantes, impérieuses, presque égarées par la croyance que l’application immédiate de la vérité sociale était dans le creux de la main du gouvernement provisoire.

Puis on s’est aperçu d’un fait auquel on n’avait jamais voulu croire avant février : c’est qu’il n’y avait rien de bon,, de généreux, de confiant, de sympathique et de disciplinable comme ces barbares dont on avait tant prédit l’invasion désastreuse. Peu à peu on s’est rassuré en voyant qu’à la parole de Louis Blanc, en face du travail sincère et consciencieux de la commission, ces sans-culottes effrénés ouvraient leur esprit et leur cœur à une explication fraternelle. Alors on s’est inquiété dans un autre sens. On s’est dit que les barbares pourraient bien être plus civilisés qu’on ne l’était soi-même, et que leurs idées menaçaient les privilèges et les abus du passé plus que toutes les barricades de février. On s’est évertué à les paralyser, à les concentrer, à les isoler dans l’enceinte de la Chambre des pairs, et un réseau d’insinuations perfides, de lâches et stupides calomnies s’est étendu autour du prétendu sanctuaire où trônait, disait-on, la personnalité d’une secte dangereuse, affiliée à des sectes exterminatrices.

Il faut dire par quelles énormes fautes, par quelles menaçantes utopies, par quels principes incendiaires