Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/163

Cette page n’a pas encore été corrigée

indignée va se lever contre l’égorgeur couronné de Naples ; mais rendra-t-on les enfants massacrés à leurs mères, les maris à leurs femmes, les pères à leurs fils ? Tout ce sang versé, tous ces cadavres qui crient vengeance ! Nous avons bien besoin de croire à la vie éternelle et à la solidarité des générations entre elles pour ne pas croire que de telles infortunes, de telles horreurs ne se réparent point !

Faisons donc, dans une sphère plus tranquille, des vœux pour que l’Assemblée nationale sanctionne au plus vite, aux yeux du peuple, sa propre existence, par des actes heureux et significatifs. Car, pendant qu’elle perd un temps précieux et l’occasion d’obtenir la confiance générale, la misère augmente, le pauvre souffre, les esprits s’aigrissent, l’humanité languit au moral et au physique ; et, pour qui aime l’humanité plus que la politique, ces malheurs-là sont sans compensation et brisent le cœur.

Mais il est juste que les hommes qui ont voulu, les uns avec ardeur, les autres avec âpreté, arriver au gouvernement de la nation, soient seuls responsables des destinées de la nation. Attendons-les à l’œuvre ; et, si le ciel fait un miracle, si l’Esprit-Saint descend sur ces têtes froides qui repoussent l’espérance comme une utopie, et si, tout à coup, ces hommes, qui ont cru soupçonner et insulter, dans la personne de Louis Blanc, les idées de l’avenir, se reconnaissent forcés par la logique d’entrer dans ces mêmes idées, laissons-leur-en le prétendu mérite. Que nous importe, à nous, par qui le bien se fasse, pourvu qu’il se fasse ?