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pas le droit de mettre des enfants au monde, parce que c’est autant de pauvres que nous faisons. Dans le fait, c’est bien la vérité ; mais comment arranger cette vérité-là avec la loi du bon Dieu et avec sa justice ?

Je vois bien, par ce qui se passe à Paris, que nous ne sommes pas au bout de nos peines. Je ne sais comment cela finira, mais nous passons un bien mauvais temps. Le peuple n’a encore rien gagné à avoir fait la Révolution. Jamais je n’ai entendu, dans les gens de campagne, tant de plaintes et tant d’histoires ridicules. On me demande partout si tu es communiste ; on s’imagine que tous les ouvriers de Paris veulent le partage des terres, car on ne comprend pas autre chose au communisme ; et il y a des gens si sauvages de notre côté, que je ne serais pas toujours tranquille si tu étais ici. Si tu avais le malheur de te mêler de la moindre chose , de leur donner un bon conseil, d’avoir une opinion sur telle ou telle personne du pays, tu passerais pour communiste, bien sûr. Si tu parlais contre les légitimistes, ou contre les républicains, ou contre les juste-milieu, tu serais accusé par les uns comme par les autres. La couleur n’y fait rien. Vous êtes entre deux ennemis, et si, par hasard, vous n’êtes ennemi ni de l’un ni de l’autre, le premier à qui vous dites bonjour a les yeux sur vous pour savoir si vous direz aussi bonjour à l’autre. Alors, quand vous avez eu le malheur d’être honnête envers tous les deux, tous les deux vous déclarent communiste, et recommandent à tous leurs amis et