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— Sans doute, nous vous connaissons bien et votre nom est Cassandre. Éternellement méfiant, vous n’êtes pas moins éternellement dupe. Toujours en colère, vous fuyez toujours. Vous avez dans la main une canne dont vous menacez tout le monde et que vous jetez bien vite pour mieux courir. Esclave et courtisan, vous êtes grondeur et despote. Vous opprimez quiconque ne peut se défendre, vous reculez devant quiconque vous regarde en face. Vous êtes infatué de votre édilité de comédie. Vous ne voulez pas qu’on chante sous vos fenêtres, qu’on respire dans votre air, qu’on marche dans votre rue. Hélas ! nous vous plaignons ! votre règne est fini ; l’air et la rue sont à tout le monde aujourd’hui. Le peuple a tant d’insolence, qu’il ose passer, respirer, marcher, chanter à deux pas de vous, sans savoir si vous êtes encore là, sans demander à personne si c’est dans la cave ou dans le grenier que vous vous êtes réfugié. Qu’y faire ? Il faudra pourtant voir si le préfet de police qu’on dit être un brave homme, ne pourrait pas prier le peuple de rester chez lui ou dans les ateliers, à moins pourtant que le peuple n’ait pas un domicile très confortable, ou qu’il n’y ait pas d’ouvrage dans les ateliers, ce qui rendrait la chose difficile. Dans ce cas, vous pourriez demander au citoyen Caussidière de faire répandre une épaisse couche de paille dans toutes les rues de Paris, comme l’on fait, dans les beaux quartiers, devant le domicile des riches malades, pour amortir le bruit des voitures. Il faudrait qu’il eût bien peu de savoir-vivre s’il vous refusait de faire