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l’un d’eux voulait hier m’enterrer vif dans un fossé, pas davantage, pour la première fois.

Voilà pourtant ce qu’on enseigne en fait de politique à nos doux et bons paysans de la vallée Noire. On pourrait s’imaginer, si on ne les connaissait pas, que toutes ces folies prennent naissance dans leurs cervelles superstitieuses. Mais personne mieux que moi ne connaît leur bon sens et leur intelligence. Seulement ils sont crédules comme tous ceux qui vivent loin des faits, et ils ajoutent foi à ce qu’on leur dit.

Qui se charge de les renseigner si fidèlement et de leur donner toute cette instruction morale et philosophique ? Il me serait facile de nommer les professeurs de cette nouvelle science sociale ; car, depuis trois jours que je suis revenu au pays, je connais ces pères du peuple et le but de leurs prédications civilisatrices. Mais il importe peu que ce soit celui-ci ou celui-là. Ce qui importe, c’est que le même fait s’est produit à la même heure dans toute la France, et que, par une admirable manœuvre de la bourgeoisie dynastique, la même explication du communisme s’est spontanément répandue au moment des élections, avec le même accompagnement de véracité, de délicatesse et de bienveillance.

En 1789, il y eut une terreur fantastique qui se propagea comme un courant d’électricité d’un bout de la France à l’autre. On annonça partout l’arrivée des brigands ; les villes se barricadèrent, les paysans se cachèrent dans leurs blés. Ils appellent encore cela ici : l’année de la grand’peur. On attendit les bri-