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il entraîne dans ses fêtes fraternelles une foule d’amis improvisés qui ne s’aimaient pas, qui ne se connaissaient pas hier, mais qui, à l’appel du plus beau des sentiments, s’élancent, se joignent, vivent ensemble tout un jour, et oublient, dans le transport commun, l’inévitable mais triste notion de l’individualisme.

Oui, certes, il nous faut un culte. C’est la seule expression possible de l’unanimité, cette grande loi sociale de l’avenir, que nous ne pouvons pas encore réaliser dans la société présente. Le consentement libre et spontané de tous, nous l’aurons un jour dans la politique ; mais des siècles peut-être nous séparent de cet idéal. Pourtant, c’est le but du progrès.

Trouver une forme sociale qui ne fasse pas de victimes, mais encore qui ne fasse pas de mécontents, c’est là le rêve, l’espoir et le travail de l’humanité depuis qu’elle existe. Seulement, le but est encore si loin, que nous serions fous de ne pas tenir compte de l’âge moral de l’humanité dans la pratique des choses. Mais aussi nous serions coupables de renoncer à notre foi, au progrès incessant de cette humanité, fille de Dieu, qui ne veut pas que son âme immortelle périsse, et qui s’arrache aux lassitudes et aux découragements de la réalité par la contemplation de l’idéal.

Que le culte soit donc un éclatant témoignage de notre aspiration. Qu’il vienne, de temps en temps, nous consoler et nous retremper, en nous faisant communier tous ensemble par la pensée. Qu’il dise au pauvre comme au riche : « Vous ne devez plus être ennemis aujourd’hui ; car Dieu vous a faits égaux,