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Les politiques s’attachent spécialement au fait de la lutte, sans s’inquiéter suffisamment, selon nous, du but qu’ils veulent atteindre. Il leur semble qu’en conquérant et en faisant conquérir à un plus grand nombre d’individus des droits de citoyen, en donnant de l’extension au vote électoral, en appelant les masses peu à peu et régulièrement à se gouverner, ils auront fait tout ce qu’il est permis au courage, au talent, au patriotisme d’accomplir dans le temps où nous vivons. Ils ne se préoccupent pas assez de l’état moral et intellectuel de ces masses qu’ils veulent affranchir ; ils songent à les faire agir plutôt qu’à les éclairer. Ils pensent que l’intelligence, la moralité, le dévouement viendront tout d’un coup illuminer les consciences, le jour où l’exercice de leur droit relèvera les hommes à leurs propres yeux ! « Et alors, disent-ils, cette grande et noble nation trouvera d’elle-même ce qui lui convient. Elle fera une nouvelle Déclaration des droits de l’homme appropriée aux besoins de son époque d’avènement. Tous souscriront, riches et pauvres, bourgeois et prolétaires, rois et ministres, parlements et opinion publique, à la grande loi de vérité que l’inspiration proclamera. » En d’autres termes, les politiques comptent sur un miracle sans savoir et sans même se demander quel sera ce miracle. Une foi généreuse mais aveugle les enivre. Hommes d’action, leur devise ingénue et brave est celle-ci : Agissons toujours, nous verrons après. Ce raisonnement, si c’en est un, cette ardeur héroïque mais dangereuse les ont conduits à fermer les yeux sur les besoins réels de l’humanité,