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Tout homme qui a lu quelques systèmes ou qui a caressé dans son cerveau quelques utopies, se croit un profond socialiste. Peut-on rien voir de plus frivole ? Mais, de tout temps, les Français ont eu la manie de s’enrégimenter sans savoir avec qui, et d’écrire sur leur bannière un mot qu’ils ne comprenaient pas.

Pourtant il est certain que ces mots de politique et de socialisme servent aujourd’hui, même dans le sein de l’opposition nationale, à qualifier deux opinions fort distinctes. L’erreur est donc dans les mots, mais le fait existe. Les prétendus socialistes et les prétendus politiques ne sentent pas, ne voient pas et ne comprennent pas de même le mode d’action qui doit tendre au salut de tous. Ils ne se disputent pas seulement sur des mots, comme quelques-uns le prétendent dans une vue de conciliation ; ils ne doivent ni se quereller ni se haïr, il est vrai ; mais ils ont besoin de beaucoup s’expliquer avant de s’entendre, et le temps n’est peut-être pas venu où ils peuvent marcher d’accord.

Essayons d’expliquer leur divergence d’action et de pensée, et, pour cela, servons-nous, puisqu’il le faut, des noms qu’ils se sont donnés, ou laissé imposer.

Nous convenons d’appeler politique une action toute matérielle exercée sur la société pour modifier et améliorer ses institutions ; socialisme une action toute scientifique exercée sur les hommes pour les disposer à réformer les institutions sociales. Il semble que le but soit le même. Voici pourtant l’essentielle différence qu’il faut comprendre :