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être jouée à pile ou face sur des plans stratégiques, si le sang des hommes n’est bon qu’à engraisser la terre, si le génie humain n’a pas d’autre but que celui d’inoculer des moyens de destruction de plus en plus féroces, si la diplomatie est une chose mystérieuse et sacrée où l’État est responsable du plus ou moins d’habileté d’un agent, si enfin deux grandes nations doivent s’égorger pour relever le gant d’une querelle de cabinet.

S’il est prouvé que cela devait être ainsi, que la gloire d’un mutuel écrasement est le bien suprême, que la France ne peut respirer heureuse, libre et fière que dans cette atmosphère de poudre et cette vapeur de sang, que la richesse publique s’en accroît, que la repopulation confiée aux rachitiques épargnés par les conseils de révision doit amener de splendides résultats, enfin que tout est pour le mieux dans la meilleure des sociétés possible, dites-le, ayez le courage de le dire, vous qui ne dites rien maintenant, et tâchez de le persuader à la patrie décimée, foudroyée, brisée par la victoire autant que par la défaite.

Si, au contraire, la France est sûre de son opinion, si elle se sent l’énergie de protester en temps utile contre la barbarie du préjugé, qu’elle attende son jour, et qu’en attendant elle coure au feu, qu’il n’est plus temps d’éteindre. Elle se battra beaucoup mieux avec la conscience de son droit qu’avec une préoccupation de rémunération immédiate. Que les ardents y courent les premiers. C’est à eux de donner l’exemple du patriotisme ; mais que les tranquilles ne leur disent