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qui ai tant sacrifié de victimes humaines. Eh bien, c’est pour cela qu’aujourd’hui je suis debout ; c’est pour cela que je vais embrasser le monde et armer encore les hommes contre les hommes, arroser de sang les fleurs des Alpes et les riches guérets de la Lombardie. C’est que le fort a voulu écraser le faible, et moi, l’esprit de lutte et de fierté, l’ange des rémunérations, j’ai secoué le sommeil de l’égoïste, j’ai suscité le vouloir des puissants, j’ai armé la France, j’ai parlé à l’intelligence des riches, à l’héroïsme du soldat, au cœur du peuple : et je vais défendre le faible, je vais délivrer l’opprimé, je vais rendre une terre volée à ses légitimes possesseurs, je vais secourir un peuple qui veut redevenir lui-même. Adieu, je suis pressée, rapide comme l’éclair, résolue comme la foi. Toi, pauvre poète, regarde fleurir les bluets et courir les nuages, puisque tu ne peux marcher dans mon chemin terrible ; mais que ton cœur me suive, ou qu’il se flétrisse comme le figuier de l’Évangile.

La voix se perdit dans le lointain, et je sortis comme d’un nouveau rave. Qui donc avait ainsi traversé ma paix intérieure, et emporté mon âme loin de son doux sanctuaire ? L’ange des armées ? Je m’éveillais tout à fait. Cette voix qui m’avait fait entendre tant de choses, c’était celle d’un clairon qui passait le long d’un mur de jardin. Rien de plus.

Rien de plus ! mais que fallait-il de plus pour comprendre ce que l’archange m’avait dit par cette voix claire et pénétrante ? Elle passe, et des légions la suivent. Elle court, elle avance, et des milliers de