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pu éviter ou adoucir les horreurs de la collision. La majorité de l’Assemblée nationale a été sans entrailles. La bourgeoisie a été livrée à une terreur morale qui a exaspéré la lutte, et le général Cavaignac, en qui se personnifiait alors la sévérité de l’Assemblée et l’effroi moral de la bourgeoisie, a dû expier, cinq mois plus tard, le rôle terrible et malheureux dont les circonstances l’avaient accablé. Soyons humains et plaignons un peu cet honnête homme à qui Dieu a refusé l’élan de la foi à l’heure qui pouvait sauver ; mais soyons justes aussi, et voyons si les griefs du peuple ne le sont point.

Il connaissait à peine Cavaignac ; il n’a vu d’abord en lui qu’un sabre au service de la majorité parlementaire. Il a même espéré que la lutte terminée, cet homme, par respect pour le nom sacré qu’il portait, provoquerait à des actes de clémence et se placerait comme un médiateur entre la réaction victorieuse et le peuple vaincu. Il ne l’a point fait, et le peuple est si bon, qu’il a excusé encore cet homme en le jugeant peu capable. Mais quoi ! chaque jour démontre au peuple que le général Cavaignac a de l’intelligence et du talent. Dans les questions personnelles, ce caractère que l’on comparait à la Fayette, s’élève au-dessus de lui-même. Il fait preuve d’habileté, il est orateur, il rallie à lui, même après le choix d’un ministère juste milieu, les sympathies de nombreux républicains dans l’Assemblée nationale, dans la garde nationale de Paris, dans les communes, dans l’armée. Il s’empare surtout de l’Assemblée, il la passionne presque. Dès qu’on