Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/303

Cette page n’a pas encore été corrigée

un grand enseignement. Le souverain nouveau, l’être collectif a manqué de prudence et d’habileté. Il est jeune, l’enfant-roi ; il a les travers de son âge. Il est téméraire, romanesque, impatient. Il ne supporte pas les corrections injustes et cruelles. Dans sa colère, il brise ses liens et ses jouets. Naïf et crédule, il se fie au premier venu ; mais, pour avoir tous ces défauts-là, il n’en a pas moins l’instinct des plus grandes choses et le germe d’une puissance sérieuse. Il ne pardonne guère à qui l’a froissé, et en cela est-ce lui, est-ce nous qu’il faut blâmer ? J’avoue que j’ai à cet égard de grands doutes. Nous autres gens expérimentés, rendus prudents par l’âge politique, nous faisons parfois des transactions que nous croyons utiles. Ainsi, sans soutenir le général Cavaignac, les plus républicains d’entre nous eussent encore préféré ses succès à celui de M. Louis Bonaparte. Le peuple n’en a pas jugé ainsi, même l’élite du peuple. Les socialistes prolétaires des grands centres ont voté pour le dernier, en haine des formes de la répression de juin. C’est que le peuple ne sacrifie jamais le sentiment dont la politique pure fait trop souvent bon marché. Comme l’enfant, il obéit à son cœur plus qu’à la raison d’autrui. Et qui osera dire que le cœur ne soit pas meilleur conseil de la raison ?

Pour mon compte, j’avoue que je me sens peuple par ce côté-là, que je n’ai jamais pu pardonner au parti modéré la sécheresse qui a en quelque sorte provoqué les délires de juin et la fureur qui les a réprimés, lorsque les conseils du sentiment eussent