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masses, subjugue les individualités et arrache de la poitrine de chaque homme l’expression volontaire ou involontaire de la vérité. Demain, peut-être, ce pacte sublime sera brisé ou altéré dans la conscience de chacun de ces individus dont se composait la masse. Qu’importe à la vérité ? pour avoir cessé d’être éclatante sera-t-elle tuée ? La France va nous envoyer, le 5 mai, l’expression de ses diverses majorités locales, et l’on dit que la souveraineté de ces majorités fractionnées sera inviolable.

Oui, si, pour protester contre elle, il fallait employer la menace et la violence ; alors ce ne serait plus la violation d’une souveraineté, ce serait la violation des droits de l’humanité dans l’individu.

Mais n’y a-t-il pas dans l’humanité d’autres arrêts de cassation que l’émeute ?

La révolution de février a-t-elle été le résultat d un combat qui eût été perdu pour la cause des peuples si l’armée eut protesté contre le vœu du peuple de Paris ?

Sophisme ! La révolution de février a été le résultat d’une expression spontanée de la souveraineté populaire manifestée par l’élan unanime. Vous ne pouvez pas dire que notre république eût été perdue si la troupe eût voulu faire usage de ses armes. Nous vous répondrions : La troupe ne pouvait pas vouloir faire usage de ses armes. Les armes ! qu’est-ce que quatre-vingt mille fusils, que seraient quatre cent mille fusils, quand l’esprit parle, quand la pensée éclate, quand le cœur défend au bras de soulever un fusil ?