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héroïque pour n’en pas abdiquer les droits, et que la majorité des Français appelés à les exercer s’en dégoûtent chaque jour davantage, et semblent prêts à en répudier les premiers devoirs. Ce sombre ennui, cet amer scepticisme qui se révèlent aux esprits à la fois agités et blasés de Paris sous une forme délirante ou cynique, se montrent dans les provinces, privées d’action et d’émotion, sous l’apparence d’apathie mélancolique ou de brutale indifférence. Quiconque triomphe et prospère avec le gouvernement est devenu haïssable ; quiconque souffre et succombe avec la liberté va bientôt devenir inerte. Voilà ce qu’ils ont fait de la France de Louis XIV, de la France de Jean-Jacques, de Voltaire et de Diderot, de la France de la Convention, de la France de Napoléon, de la France des journées de juillet, ces hommes qui ont décrété avec une mystérieuse obstination que la France constitutionnelle aurait pour centre d’administration un foyer de corruption attisé et embastillé de leurs mains. En attendant un autre système de gouvernement, créateur d’un meilleur esprit public, que pouvons-nous, nous autres obscurs habitants des provinces les plus accablées, pour secouer ce drap mortuaire dont on veut nous envelopper ? Vous nous l’avez appris, monsieur, en réveillant, dans la province qui s’enorgueillit de vous posséder, un esprit de vie, une conscience publique, et en lui créant, pour expression de sa généreuse volonté, un journal indépendant. Oui, nous voulons, autant qu’il est en nous, obéir à votre appel, et créer un organe de nos plaintes,