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de voir le ciel ; et, dès qu’il en a contemplé l’immensité, il ne lui suffit pas, comme à l’animal ; de sentir l’air et la chaleur ranimer ses membres, il faut encore qu’il admire, qu’il rêve, qu’il médite, et qu’il cherche le secret de cette beauté des choses qui ne s’explique point d’elle-même. Aussitôt, l’homme sauvage éprouva le vague besoin de répandre son émotion dans le sein d’un autre homme. Il souffre d’interroger cette nature qui est si vaste, si solennelle, si mystérieuse. Cette grandeur qui le charmait, l’oppresse et l’accable.

Il appelle son semblable avant que de savoir si son semblable existe. Il lui semble que son semblable ne serait pas muet comme le reste de la création et résoudrait avec lui le problème de son existence. Aussi, dès qu’il rencontre son semblable, il s’associe à lui pour conjurer, par la réunion de leurs forces et de leurs intelligences, les forces ennemies de la nature, pour partager les fruits de cette association, et pour chercher — à deux, ou à plusieurs, aux heures du repos et de la contemplation, — le secret de Dieu et la loi de la nature. Voilà l’aurore des sociétés, et il ne peut y en avoir d’autre. Faire naître la première société d’un premier combat est un rêve sinistre qui ne répond pas à la nature de l’homme. Le combat, le partage, l’oppression, l’inégalité n’ont pu être que le résultat d’une première civilisation déjà assez avancée pour être corrompue. L’homme primitif eût péri, s’il eût commencé par tuer celui-là qui, seul, pouvait lui conserver la vie : car l’homme ne pullule pas, comme l’animal, par les seules lois de la matière. Il est esprit