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ta pensée avec celle de ton semblable. C’est une conquête intellectuelle que tu réclames ; et ce qui a fait la grandeur de tes pères, ce qui nous oblige à les admirer, alors même que nous déplorons les tragédies de leur existence, c’est qu’au temps des plus épouvantables souffrances matérielles, au temps de la famine, de la guerre et de l’épouvante, ils oubliaient tout pour la vie publique, pour le salut de la patrie, pour la gloire qu’ils nous ont léguée.

Nous n’aurons plus les mêmes tragédies, mais nous aurons encore de mauvais jours à traverser. Nous y sommes dès aujourd’hui, dans ces jours de souffrance morale et physique. Eh bien, voudrions-nous ne pas y être ? voudrions-nous ne pas avoir conquis ces larges blessures, ne pas subir cette gêne momentanée, ces privations, cette fatigue de tous les instants ? Non, mille fois non ! la République mérite bien tous ces sacrifices. Nous avons encore de la misère à son service, disait naguère un de tes enfants sur la place publique. Mot sublime, et qui suffirait à la grandeur d’une nation !

Plains-les, ceux qui ne comprennent pas une pareille pensée ! plains-les, ceux qui tremblent devant toi ! ils sont assez punis par le malheur de ne pas sentir en eux la confiance et l’enthousiasme qui élèvent à ton niveau toute âme droite, tout courage de Français ! plains-les, ce sont les émigrés du présent ! Ils ne fuient pas derrière la frontière ; mais leur conscience déserte la cause publique et leur âme renie la patrie !