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une terre qu’il faut commencer par remplir de semence. Ceux qui ont la crainte de te voir agir d’une manière aussi sauvage font vraiment preuve d’idiotisme pour eux-mêmes.

Mais, avant réclusion et la fructification de cette semence que tu vas répandre de tes propres mains en faisant une constitution nouvelle, il faut encore attendre, encore souffrir, sans doute. De quelque façon qu’on s’y prenne, le bonheur absolu n’est pas de ce monde, et tout progrès implique un déchirement, une souffrance, un travail. Il est évident que nous entrons dans une ère de grands labeurs, de grandes émotions, et par conséquent de grandes, douleurs pour les âmes généreuses. Mais quelle est belle et précieuse, ô peuple ! cette souffrance qui va donner la vie aux générations futures ! C’est le travail de l’enfantement qui brise le sein maternel et qui réjouit la Providence ! Oui, nous entrons dans une grande époque, et qui nous était bien due après une si longue et si honteuse inaction ! Ne faiblis pas dans l’accomplissement de tes hautes destinées, peuple français, initiateur éternel des nations civilisées ! Et ne te plains pas de ton rôle ; c’est le plus rude et le plus beau que Dieu ait encore confié à la race humaine.

Je crois que c’est là ce qu’il faut te dire, à toi, martyr des siècles, fils du Christ ! Ils blasphèment également, ceux qui disent que l’homme est né uniquement pour souffrir, et ceux qui disent que l’homme ne doit pas souffrir. La vérité est que le devoir est de souffrir pour une cause sainte, pour la cause de tous.