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du temps où ils vivaient. C’est pour cela qu’ils sont à la fois grands et coupables ; et ceux qui haïssent et condamnent tes pères d’une manière absolue, font le procès à Dieu même, qui n’éclaire la conscience humaine que par degrés. Mais tu serais aussi coupable de recommencer littéralement le passé, que nous le serions tous de maudire l’histoire de l’humanité et la loi de la perfectibilité fondée sur l’imperfection même.

Oh ! non, peuple, le passé n’est pas l’idéal. Le souvenir est lié au regret ; l’avenir ne comporte pas la pensée des nécessités fatales. Si l’homme vertueux et enthousiaste tombe parfois dans les égarements qu’il n’avait pas prévus, et dont il aurait détesté la prescience, l’homme honnête et religieux n’admet pas la possibilité du mal ; et, si l’avenir n’est pas pur pour nous comme le soleil, nous ne sommes pas dignes de la République. La République est un baptême, et, pour le recevoir dignement, il faut être en état de grâce. L’état de grâce, c’est un état de l’âme où, à force de haïr le mal, on n’y croit pas.

Fie-toi donc à ceux qui se fient à toi ! Ceux-là seuls sont en état de grâce. Fais demain ce que tu fais aujourd’hui, c’est-à-dire n’obéis qu’à la vérité ; mais cède toujours devant la vérité. Souris donc de pitié devant ceux qui te flattent, que ce soit pour t’égarer à leur profit ou pour se préserver de ta colère. Laisse-les passer, et ne reçois de leçons que celles de ta conscience où l’idéal a pénétré. Ne te venge de ces frayeurs qui t’insultent que par le calme du dédain. Tu