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penser bien vite à Paris ces trésors de force et de gloire, dont la province ne retrouve jamais réellement ni les intérêts ni le capital. Enfin, la province, c’est l’exil pour toutes les vanités souffrantes, un exil abhorré, une sorte de sombre purgatoire, où se promènent les ombres plaintives des grands hommes avortés. Pour les grands hommes réussis, c’est un lieu de plaisance, où l’on daigne venir passer quelques jours pour y recevoir de complaisantes ovations dont on rit en soi-même, comme ces acteurs célèbres qui vont compléter leur recette de l’année dans les grandes villes de province, et qui n’y jouent pas de leur mieux, dans la crainte de n’être pas compris.

Sous un gouvernement paternel et vraiment éclairé, les choses se passeraient autrement ; et même sous un despotisme prévoyant et sage, l’avenir de la nation étant mieux compris, l’existence actuelle des provinces serait ménagée plus équitablement, plus humainement. Le siège du pouvoir s’appliquerait à épargner la vie morale et intellectuelle des provinces ; il les contraindrait, au besoin, à s’épargner elles-mêmes, à s’instruire, à s’élever, à conserver en quelque sorte, et jusqu’à un certain point, les idées et les sentiments qu’elles produisent pour leur propre usage, au lieu de les abdiquer complètement, au profit de Paris. Si la société mère ne dirige pas en ce sens les parties qui la composent, il est évident que les individus assez heureux et assez habiles pour savoir formuler et représenter des idées et des sentiments iront toujours en chercher le profit et la récompense dans ce bril-