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tion, la suivre avec impartialité dans ses admirables conquêtes et dans ses funestes erreurs, la montrer dans ses heures sublimes, ne pas chercher à justifier l’horreur de ses délires ; comprendre et admirer tous les héroïsmes, mais surtout saisir la transformation de l’âme d’un peuple, en ne considérant les hommes marquants que comme l’incarnation passagère des idées et des passions de l’être collectif, tel a été le but de l’éminent historien. On peut dire que dans ce travail sa puissance et sa foi se sont élevées d’année en année, de volume en volume. Saisi par l’émotion qu’un tel sujet inspire, il ne s’est pas un seul instant laissé entraîner par le fanatisme. Le logicien de l’idée est resté homme de cœur, et même d’instincts délicats. Devant le malheur et la souffrance, il n’y a chez lui que pitié profonde, respect pour le faible, horreur de la cruauté. Cette fibre généreuse répond aux tendances de l’esprit nouveau. La Révolution est déjà assez loin, ses conquêtes sont assez assurées, pour que la jeunesse d’aujourd’hui n’ait plus besoin de tolérer ses excès et d’accabler ses victimes. La jeunesse ! elle est comme qui dirait à point pour profiter des rudes enseignements de l’histoire et pour juger le passé avec, une souveraine justice. Elle aime et apprécie un écrivain qui ne s’est pas laissé dépasser par elle et dont l’âme restée jeune trouve dans la pureté de sa croyance et l’élévation de son esprit, le secret si rare d’allier la fraîcheur des impressions à la maturité du talent.

Juin 1865.