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rien voilé, rien fardé, rien excusé, même chez ses héros de prédilection. Il a cherché, avec une patience inouïe et une inflexibilité de conscience digne du plus grand respect, le sens et la valeur des innombrables documents amassés et fouillés par lui pendant vingt ans. Aux prises avec les assertions les plus contradictoires, il a plaidé avec ardeur la cause des hommes calomniés, à quelque parti qu’ils eussent appartenu, et, là où la morale les condamne, il les a condamnés. À la place de l’impartialité froide qui ne devine rien, parce qu’il lui importe peu de saisir la vérité, il a mis dans l’histoire l’équité inéluctable qui tient compte de tout et qui prononce avec toutes les forces de l’être : la foi, la raison et les entrailles.

Aussi son livre est un monument qui restera à jamais : C’est l’œuvre d’un talent de premier ordre servi par un grand caractère. On y chercherait en vain la trace d’un prétendu système personnel. Le souffle qui l’anime est celui de la philosophie la plus élevée, la plus claire, la plus acceptée par tous les bons esprits de la génération présente, la plus saine vis-à-vis du passé, la plus pratique pour l’avenir. Je ne sais où certains critiques ont cru y voir une doctrine de socialisme étroit, sacrifiant le droit de l’individu à l’intérêt de tous, comme si, dans une société logique et rationnelle, un tel sacrifice pouvait ne pas entraîner la mort du corps social. Jean-Jacques Rousseau est tombé dans cette erreur. Nous savons que c’est une erreur, et nous n’en sommes pas moins avec Jean-Jacques Rousseau contre ceux qui, de son temps, pré-