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calmes et violents, ils se préparent à écraser tout. Et les voilà qui délibèrent dans le mugissement du peuple. Leur secret pour sauver la France est de la croire sublime et de lui dire · · · · ·

» Et ne leur dites pas qu’ils auront leur tour : ils le savent. Ne les menacez pas de l’anathème des races futures : par un dévouement sans exemple et sans égal, ils ont mis au nombre de leurs sacrifices leur nom voué, s’il le faut, à une infamie éternelle. Invincibles à la peur, supérieurs au remords, qu’invoquent-ils pour s’absoudre ? leur foi, leur politique profonde, et cette loi de la nature, « qui veut que l’homme pleure en naissant ». Mais, sur le point d’apaiser la Révolution pour la conduire, ils tombent vaincus, sanglants et insultés, ils tombent, et ils emportent cette gloire, cette douleur, que leur mort ajourne l’affranchissement de la terre.

» Quel spectacle ! quels enseignements ! Oui, au souvenir de ces vivantes luttes de la pensée, qui eurent le bonheur des hommes pour objet final, l’échafaud pour instrument, les places publiques pour théâtre, et pour témoin le monde épouvanté ; au moment de réveiller de leur commun sommeil, pour les replacer face à face au bord du gouffre qui les attira tous, maître et sujets, nobles, prêtres, plébéiens, sacrificateurs et victimes ; au moment de vous évoquer afin qu’on vous juge, ombres chères ou condamnées, tragiques fantômes, héros d’une épopée incomparable, j’ai peine, je l’avoue, à commander à mon émotion et je me sens le cœur plein de respect et d’effroi. »