Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/135

Cette page n’a pas encore été corrigée

n’en as pas d’autre que ton sabre et ton cheval. Tue un malheureux vieillard, si c’est ton devoir. Tu ne me relèveras pas de là vivant.

LE GENDARME.

Le diable soit de la commission ! j’aimerais mieux avoir affaire à dix malfaiteurs qu’à ce vieux entêté ! Allons, père Va-tout-seul, faites-vous une raison. Il y a longtemps que je vous connais. Nous n’avons jamais rien eu à démêler ensemble. Vous avez mendié malgré l’ordonnance ; ne vous mettez pas dans un plus mauvais cas.

LE MENDIANT.

Je ne résiste pas ; je te demande de me tuer. J’aime mieux mourir ici, tout de suite que là-bas à petit feu.

LE GENDARME.

Tu sais bien que je ne dois, ni ne veux te faire de mal. Relève-toi donc ou je vais être forcé de te lier.

LE MENDIANT.

Lie-moi à la queue de ton cheval et traîne-moi sur le pavé ; je ne marcherai pas. Tu amèneras ainsi mon cadavre à ceux qui le réclament. Ils le mangeront s’ils en ont envie.

LE GENDARME.

Tu injuries la justice et les magistrats, à présent ?

LE MENDIANT.

Je n’injurie pas la justice, elle n’existe pas ; je n’injurie pas les magistrats, ils ne savent ce qu’ils font. J’injurie et je maudis tous les hommes qui, dégoûtés de la charité, pour la première fois depuis que le monde est monde, condamnent le pauvre à la prison pour