Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/134

Cette page n’a pas encore été corrigée

veulent habiter tous ensemble un palais, à condition qu’ils n’en sortiront plus, qu’ils y travailleront à quelque ouvrage qu’ils ne connaissent pas et qu’ils n’ont nulle envie d’apprendre, qu’ils y seront soumis à des chefs auxquels ils devront compte de l’emploi de leur temps, de leur tenue à table, de l’heure de leur prière et de celle de leur sommeil ! Essaye, essaye de les emmener, et tu verras comme ils te repousseront, comme ils crieront, comme ils invoqueront la loi, la liberté et l’égalité devant la loi ! mais, nous autres, nous sommes hors la loi, apparemment. Il n’y a pas de loi en notre faveur, elles sont toutes contre nous ; et, quand il n’y en a pas pour nous réduira en esclavage, on en fait une du jour au lendemain. Devons-nous donc la subir parce que nous sommes trop faibles pour résister ? Non, non ! que ceux qui aiment la prison et la servitude s’y rendent de bon gré. C’est bien d’avoir créé un asile pour ceux que la mendicité humilie ou fatigue ; mais pour ceux qui s’en trouvent bien, c’est un meurtre que de vouloir la leur interdire, et je te le dis, jeune homme, je ne te suivrai pas plus loin.

LE GENDARME.

Tu veux résister à la force publique, tu es insensé ; épargne-moi la peine et le chagrin de te contraindre.

LE MENDIANT.

Prends cette peine et surmonte ce chagrin si tu veux, ce sera bien inutile. Tu peux me frapper, me garrotter, j’y consens. Tiens, me voilà couché sur la terre que j’embrasse avec amour pour la dernière fois ; ma voilà sans défense ! use de ton droit, puisque tu