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rais-je ainsi ? Pourquoi me fatiguerais-je pour te complaire ? C’est à toi, jeune homme, de ralentir le pas de ta monture par égard pour un homme qui serait d’âge à t’appeler son petit-fils. Tu oublies que je ne suis pas un criminel et que tu ne me mènes point au bourreau. Je suis un homme paisible, inoffensif ; je n’ai été condamné à aucune peine, et, si je ne veux pas faire partie du dépôt de mendicité, je ne vois pas au nom de quoi tu m’y conduirais.

LE GENDARME.

Je t’y conduis au nom de l’ordre public. Peux-tu cesser de mendier ? as-tu d’autres moyens d’existence ? Tu en justifieras à qui de droit : mais, en attendant, tu es sous ma main, et tu dois me suivre.

LE MENDIANT.

Hélas ! je n’ai aucun autre moyen d’existence. Je suis né sans un brin de patrimoine ; je n’ai jamais rien pu amasser ; on ne m’a enseigné aucun métier : mes parents n’avaient pas de quoi me mettre en apprentissage. Je ne savais que bêcher la terre, et, à présent, je n’en ai plus la force.

LE GENDARME.

Tu vois bien que tu es le plus malheureux des hommes, et qu’on te rend service en te recueillant et en te nourrissant aux frais de la charité publique.

LE MENDIANT.

Mais j’étais recueilli et nourri déjà par la charité publique, et je ne me plaignais plus de mon sort. Du temps que je pouvais travailler, j’étais bien plus à