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que tu allais chercher de porte en porte, tu l’auras maintenant sans sortir de chez toi.

LE MENDIANT.

De chez moi ? La prison sera mon chez moi ? Mais c’est affreux, c’est barbare, c’est dénaturé ! Je n’avais qu’un plaisir au monde, c’était de marcher tout seul devant moi, au hasard, et de me dire à l’heure où je me sentais fatigué : « Où irai-je dîner ? où irai-je dormir ? Lequel de mes hôtes, lequel de mes logis se réjouira tout à l’heure de ma présence ? » Et c’était si doux d’entrer dans cette maison dont j’avais la jouissance sans en avoir l’embarras ! C’était si bon d’entendre le père de famille m’appeler par mon nom : « Vous voilà, père Va-tout-seul ? Entrez, entrez ! » ou bien : « Attendez un peu qu’on trempe votre soupe. » Et, quand la mère mettait cela dans la main de son plus jeune enfant pour lui enseigner la charité, et pour me rendre l’aumône plus douce !… J’ai toujours aimé les enfants, moi. Ils sont naturellement généreux, ils sont fiers de donner de leur petite main. Ils n’ont pas peur du pauvre, ils lui font des questions, ils lui demandent des contes quand il en sait. Ils donneraient volontiers tout ce qu’ils ont ; ils ne savent pas qu’on ne doit pas trop donner.

LE GENDARME.

Vous causez très bien, vieux, mais vous marchez trop lentement. Allongez un peu le pas.

LE MENDIANT.

J’ai quatre-vingts ans, je ne peux pas marcher aussi vite que ton cheval. Et d’ailleurs pourquoi me hâte-