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vaincrai, je te prouverai que j’ai le droit d’être libre et que tu n’as pas le droit de me contraindre.

LE GENDARME.

Ah ! ma foi, cause tant que tu voudras, ça m’est égal, pourvu que tu marches.

LE MENDIANT.

Je ne fais pas de résistance, je ne suis pas un méchant homme. Vois, je te parle avec amitié ! je suis vieux et faible, tu ne voudrais pas me maltraiter ?

LE GENDARME.

Non, si tu obéis à la loi. La loi ne te défend pas de te plaindre sans bruit. Mais pourquoi te plains-tu ? tu vas avoir ton pain, ta soupe et ton lit tous les jours ; ça vaudra mieux que de tendre la main et de coucher à la paille avec les animaux.

LE MENDIANT.

Je n’étais pas avili pour tendre la main. Je n’ai rien ; le devoir de ceux qui ont quelque chose est de me fournir le nécessaire.

LE GENDARME.

Tu crois ça, toi ? en voilà une drôle d’idée ! et comme ça, si on ne te le donnait pas, tu le prendrais ?

LE MENDIANT.

J’en aurais le droit, et tout le monde le sent bien, puisque tout le monde me donne.

LE GENDARME.

Tu n’en aurais pas le droit, puisque je serais là pour t’arrêter, et tu le sens bien, puisque tu ne le fais pas.

LE MENDIANT.

Tu parles comme un enfant. La force ne fait pas le droit.