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Ceux-ci voyant plus loin sur un pied qui se dresse,
Buvant la vérité jusqu’à l’ardente ivresse.
Mêlant au jour divin l’éclair des passions,
Voudraient pouvoir ravir l’étincelle à la foudre,
Et que le monde entier fût un monceau de poudre.
Pour faire d’un seul coup tout éclater en poudre,
    Lois, autels, trônes, nations !

Eh bien, M. de Lamartine a raison : ces deux natures existent et se combattent. Mais il se trompe en croyant que la troisième nature, la nature du juste et du sage, à laquelle il aspire, soit celle qui renie les deux autres et s’en détache pour rentrer dans le calme auguste et agréable de la résignation et de la patience. Non, grand poëte ! ce n’est pas là le type du juste aux jours où nous vivons, et nous ne voulons pas croire que ce soit le vôtre. C’est une philosophie du passé, plus ancienne et plus hors de cours que l’ascétisme chrétien, celle qui dit au sage :

La résignation est la force du juste,
La patience est sa vertu.

Non, non, cent fois non ! le juste à présent ne peut pas être calme et résigné au fond de son cœur, comme s’il ne s’agissait que de se reposer ou de se sauver tout seul en dehors de l’humanité. Quand vous avez célébré l’indivisible unité humaine, vous avez bien compris la philosophie autrement que l’auteur de l’Imitation de J.-C, dont vous avez dit, je ne sais par quel caprice, dans votre Préface, qu’il possède plus de philosophie et de poésie à lui seul qu’Homère, Virgile, Cicéron, Chateaubriand, Goethe, Byron, tous