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lieu où ils respirent et de l’époque qu’ils traversent. Le plus loyal et le plus sincère de tous, c’est sans doute M. de Lamartine. Car son courage individuel ne l’abandonne pas ; et il rachète toutes ses fantaisies sans but et sans résultat par de soudaines et foudroyantes proclamations, soit en prose parlementaire, soit en vers pompeux où l’amour du beau et le sentiment du vrai se révèlent sans détour et sans réserve à la face de cette société mesquine et rusée qui croit l’avoir accaparé, et qui reçoit tout à coup de lui de grands coups de fouet et de foudre au travers du visage. C’est ce qui nous console de voir à ce grand poëte les goûts et les allures d’un grand seigneur. Si le barde souvent nous échappe, nous pouvons nous dire que ceux qui nous l’ont enlevé ne le garderont pas longtemps. Collègues politiques qui croyez l’enrôler sérieusement sous la petite bannière trouée de votre esprit de corps, il saura bien, un beau matin, vous remettre à votre place en s’écriant : <poem> Et tu veux qu’au milieu de ce travail d’un monde, Le siècle de six jours, sur sa tâche incliné, Se retourne pour voir quelle âme a bourdonné ? C’est l’erreur du ciron qui croit remplir l’espace. Non : pour tout contenir le temps n’a que sa place ; La gloire a beau s’enfler, dans les siècles suivants Les morts n’usurpent pas le soleil des vivants ; La même goutte d’eau ne remplit pas deux vases ; Le fleuve en s’écoulant nous laisse dans ses vases. Et la postérité ne suspend pas son cours

Pour pécher nos orgueils dans le vieux lit des jours.

Archicritiques, aristarques littéraires, qui pensez l’enivrer de vos flatteries, ou le faire saigner sous vos