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l’art, un aristocrate à divers titres, qui prophétise hardiment l’application et le résultat de nos croyances. Ces croyances sont donc les siennes. N’en doutez pas, ou plutôt lisez la pièce intitulée : Utopie.

Quel admirable instrument que M. de Lamartine ! Comme il répond, comme il chante, quand la main divine presse son clavier facile, et que le souffle de l’inspiration remplit ses tubes sonores ! Ce n’est point à la lyre antique que je voudrais le comparer. Il a moins de simplicité et plus d’étendue. C’est l’orgue chrétien, avec toutes ses ressources, sa puissance infinie, ses jeux divers, ses voix célestes, ses grands déchirements, toutes les fictions que ses vastes flancs recèlent. Mais cette grande musique, que nous écoutons dans l’extase, n’est-ce que la voix d’un instrument ; et, pour nous débarrasser de la métaphore, cette superbe déclamation prophétique n’est-elle que le trop-plein d’une intelligence de poëte ?

Eh bien, que nous importe ? Et comment pourrions-nous interroger sévèrement le fond de cette âme où dorment de si magnifiques instincts, évoqués parfois et poussés dehors par cette volonté mystérieuse, invincible, que les chrétiens appelèrent la grâce, et que les poètes appellent l’inspiration ? Il y a là un grand secret psychologique, et ce n’est point ici le heu d’en sonder les abîmes.

Que M. de Lamartine se contredise lui-même, et qu’après avoir exhalé toute cette vérité qui le presse et le déborde aux heures de solitude et de recueillement, il rentre, à d’autres heures, dans le monde des conventions menteuses et des transactions mesquines ; qu’il s’agite, noble et naïf impuissant, dans la petite politique du jour, où, faute d’unité dans sa pro-