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judice immense. Il dut y avoir là pour vous, mon ami, un cruel moment de douleur et de colère.

Mais, dans ce même temps, Harel, le directeur de la Porte-Saint-Martin, vient vous demander un drame pour son théâtre et pour mademoiselle Georges. Seulement, ce drame, il le lui faut tout de suite, et Lucrèce Borgia n’est construite que dans votre cerveau, l’exécution n’en est pas même commencée.

N’importe ! vous aussi, vous voulez tout de suite votre revanche. Vous vous dites à vous-même ce que vous avez dit depuis au public dans la préface même de Lucrèce Borgia :

« Mettre au jour un nouveau drame, six semaines après le drame proscrit, ce sera encore une manière de dire son fait au gouvernement. Ce sera lui montrer qu’il perd sa peine. Ce sera lui prouver que l’art et la liberté peuvent repousser en une nuit sous le pied maladroit qui les écrase. »

Vous vous mettez aussitôt à l’œuvre. En six semaines, votre nouveau drame est écrit, appris, répété, joué. Et, le 2 février 1833, deux mois après la bataille du Roi s’amuse, la première représentation de Lucrèce Borgia est la plus éclatante victoire de votre carrière dramatique.

Il est tout simple que cette œuvre d’une seule venue, soit solide, indestructible et à jamais durable, et qu’on l’ait applaudie hier comme on l’a applaudie il y a quarante ans, comme on l’applaudira dans quarante ans encore, comme on l’applaudira toujours.

L’effet, très-grand dès le premier acte, a grandi de scène en scène, et a eu, au dernier acte, toute son explosion.

Chose étrange ! ce dernier acte, on le connaît, on le