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Nous ne savons donc pas du tout si Balzac était réaliste et si Flaubert est réaliste. On les a souvent comparés l’un à l’autre parce qu’ils ont le même procédé. Ils établissent leur fiction sur une grande étude de la vie réelle. Mais ils diffèrent par des qualités essentielles, et là s’arrête la comparaison. Flaubert est grand poète et excellent écrivain. Balzac, moins correct on fait de goût, a plus de feu et de fécondité.

Ce qui nous est arrivé en achevant la lecture de l’Éducation sentimentale arrive à quiconque ferme un livre lu avec plaisir ou avec émotion. Nous avons dit : Qu’est-ce que cela prouve ? Cette réflexion est stupide quand elle s’applique à une étude simple, car il y a des études simples comme il va des corps simples. Mais devant une étude de la vie multiple, de la combinaison, de la vie sociale en un mot, on a le droit de demander à l’auteur où il nous mène et ce que nous devons penser de cette vie qu’il met sous nos yeux, et qui est censée la nôtre.

Ici l’auteur se tait-il ?

Il a mis devant nos yeux un miroir en disant : « Regardez-vous ; si votre image n’est pas ressemblante, celle de votre voisin le sera peut-être. » Et, en effet, nous avons tous trouvé le voisin ressemblant. C’est à nous de conclure et de nous demander si notre époque est effectivement médiocre, ridicule, et condamnée à l’éternel avortement de ses aspirations.

La majorité des opinions, qui a disposé de nos destinées jusqu’à ce jour, et qui n’a pas su nous donner un état social libre et logique, a été médiocre en effet, et c’est une douce punition que de la vouer au ridicule ; mais l’éternel avortement n’est pas dans la nature matérielle, il ne saurait être dans la nature pen-