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nière exquise : « Il combine la tête de Molière et la tête de Shakespeare. Chose singulière, c’est peut-être moins le caprice du comédien que la logique de son rôle qui lui a donné cette physionomie touchante ! N’est-il pas le disciple du génie, l’élève de Galilée, le proscrit, le représentant de tout ce qui est grand et beau, mais de tout ce qui fait souffrir ; et n’est-il pas juste dès lors qu’il ait le sourire, le regard, la mélancolie d’aspect, les résignations superbes, les fiertés tendres de ce martyr qui s’appelait Molière, de ce rival de Dieu qui s’appelait Shakespeare ? »

Nul acteur n’est mieux doué que Berton. Sa voix est une mélodie, comme sa personne est la grâce et l’élégance même. Joignez à cette diction et à cette tenue qui charment l’œil et l’oreille un sens délicat et profond des nuances. La chose la plus difficile au théâtre est peut-être de faire parler l’amour avec conviction et sans emphase, car dans la vie réelle l’amour parle peu ou mal. Il faut qu’il soit éloquent et persuasif sur la scène. C’est pourquoi les amoureux sont si rares et si recherchés.

La direction de l’Odéon n’a reculé devant aucun sacrifice pour associer les étoiles de première grandeur à sa pléiade. Elle a mis pour la première fois en présence Lafont et Berton.

Paul Deshayes est un superbe aventurier, après avoir été, la veille, un Jean Bonnin parfait de comique et de naïveté. Mademoiselle Antonine est gracieuse et jolie. M. Reynald, qui a si généreusement accepté un petit rôle, est d’une distinction rare. Tous les autres artistes méritent des éloges et des remerciements. Clerh est un vieux serviteur toujours distingué aussi, et qui dit bien. L’Odéon pourrait le mettre plus en vue ;