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absous Jeannine. La raison satisfaite a acclamé les résistances de Barantin, et puis elle a exigé le dénoûment que lui ménageait l’auteur, car un mouvement de douloureuse impatience s’est manifesté à la première représentation durant la terrible expiation que s’impose Jeannine en s’accusant devant celui qu’elle aime de hontes et de lâchetés imaginaires. Si l’auteur eût faibli là, s’il n’eût pas osé l’absoudre, ce public exalté par la compassion l’eût abandonné. Il était si monté, si convaincu, si impérieux, qu’il se fût indigné du triomphe de la raison.

C’est là un bon symptôme, un de ces embrasements de l’esprit qui prouve que le feu sacré vit encore et que la France est le pays du sentiment par excellence. Ceux dont l’opinion résiste à la morale de la pièce, disent aujourd’hui que, sans l’immense habileté de l’auteur, elle n’eût pas été acceptée. Soit ! qu’est-ce que cela prouve, sinon que l’habileté mise au service du bien et du bon trouve sa véritable puissance et frappe comme le fluide électrique ? C’est alors qu’elle change de nom, s’il vous plaît, et qu’elle devient quelque chose de plus que le talent.

On est convenu d’appeler autrement en littérature l’emportement lyrique qui touche aux nuages. Oui, certes, le génie est là, mais il est aussi dans l’examen attentif et profond des mouvements de l’âme humaine, et dans l’art de porter la conviction en s’emparant de l’intérêt. Habile, tout ce que vous voudrez, M. Dumas fils est plus qu’ingénieux et adroit. Il est une force de premier ordre à partir de madame Aubray. On ne soulève pas des montagnes avec de l’esprit seulement.

Il a eu — et il méritait de les avoir — d’excellents interprètes : Arnal, un des plus grands comédiens qui