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lequel le public étonné, saisi comme dans un étau, s’est passionné au moment où il craignait d’être ennuyé.

C’est que l’auteur apprécie apparemment le bon sens autant que l’enthousiasme ; c’est que son intelligence heureusement équilibrée contemple avec amour les deux faces du vrai. — Nous savons bien qu’il y en a une troisième. Le cerveau humain cherche à se compléter en découvrant la souveraine sagesse qui accorderait les deux contraires et tracerait à chacun sa limite d’action. Il ne l’a pas trouvée. La trouvera-t-il ?

Nous n’y sommes pas, mais nous y aspirons sans cesse, et s’il existe un chemin pour nous y conduire, c’est l’analyse désintéressée et l’examen courageux du pour et du contre. Toute autre élude est vaine, et si l’on y fait bien attention, cette recherche de la sagesse est au fond de toutes les œuvres réussies et vraiment solides. Elle est dans le Misanthrope comme elle est dans Hamlet, elle est dans tout le théâtre sérieux, et, comme le théâtre n’est pas une chaire où les révélations s’affirment, mais une tribune où les aspirations se manifestent c’est par l’exposé des passions que la vérité, un peu livrée à elle-même, se dégage et va frapper les yeux et toucher les cœurs. La science de ce grand art consiste donc à faire aimer le vrai, à le rendre palpable, pour ainsi dire, à le livrer pour ce qu’il vaut à ceux qui le cherchent aussi et qui sont capables de l’apprécier.

Le public a généreusement prouvé en cette rencontre qu’il n’avait pas arboré la pale bannière du scepticisme. Un succès d’enthousiasme a consacré les généreux élans de madame Aubray, des flots de larmes ont