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fera que d’impossibles. Supprimez la foi : le monde acceptera aveuglément ce qui est aujourd’hui, sous prétexte que demain n’est pas à nous, proposition admirablement raisonnable, mais stupide, parce qu’elle paralyse. Supprimez la raison, nous marcherons, oui, et très-vite, mais comme une locomotive livrée à elle-même.

C’est avec un art infini, une adresse merveilleuse et surtout avec une bonne foi complète, une équité vraiement victorieuse, que l’auteur des Idées de madame Aubray a exposé cette lutte universelle, résumée par les agitations intérieures de quelques personnages pris dans le milieu le plus actuel et le mieux connu. Rien d’exceptionnel dans leurs caractères, pas même dans celui de madame Aubray, qui représente l’élément sincèrement religieux, et qui le représente de la manière la plus féminine : logique poussée à l’extrême, nulle prévision des obstacles, nul doute, nul souci du danger, l’héroïsme de l’enfant sur la barricade. Pour soutenir le choc de cette nature ardente, il fallait une force de résistance bien trempée. Ce choix a été fait de main de maître. Le vieux ami de la maison, M. Barantin, est l’avocat de la raison, avocat aussi excellent (aussi fort) aussi sympathique que madame Aubray elle-même. Point de déclamation entre ces deux personnages d’élite. Une causerie serrée, affectueuse, nette, bien motivée, vissée, pour ainsi dire, à l’action de la pièce, et s’emparant de vous comme par des liens de fer. Ces deux personnages assis qui discutent sans quereller, et qui vous forcent à écouter l’exposé de leurs idées en même temps que celui de leur situation personnelle, c’est im tour de force tout à fait neuf au théâtre, et devant