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transforme pas subitement ; son ivresse est lourde elle ne peut la secouer comme un mauvais rêve, et tandis que César monte au Capitole pour invoquer les dieux de l’avenir, le peuple repu s’endort pour n’avoir plus à s’occuper du lendemain.

Donc il ne fallait pas tuer César, cela est certain ; car il pouvait au moins mûrir son œuvre de matérialisme et préparer peut-être ainsi le règne de l’esprit. Mais, telle qu’elle est, sa vie marque une époque de décadence morale dont Rome ne se relèvera pas. C’est en vain que l’empire, préparé et rendu inévitable par ses soins, aura ses jours de splendeur apparente : Rome est frappée au cœur. Elle est cupide, elle est dissolue, elle n’a plus soif de liberté ; elle défie ses maîtres ne pouvant plus s’estimer elle-même : elle finira dans l’orgie.

Le remarquable travail dont on nous invite ici à rendre compte ne porte pas d’épigraphe ; mais il en a une qu’il doit nous être permis de lui attribuer sans entrer dans le domaine de la politique. L’appréciation du rôle de César soulève une question d’histoire et de philosophie, et il serait impossible d’en parler sérieusement sans se reporter à l’histoire des idées modernes.

Cette épigraphe, qui par sa récente publicité nous semble le couronnement des réflexions suscitées par l’étude de la vie de César, la voici :

« Le progrès n’est point la réalisation d’une théorie plus ou moins ingénieuse ; c’est l’application des résultats de l’expérience consacrés par le temps et acceptés par l’opinion publique. »

Ce point de vue trop modeste selon nous, cette sorte